Chloé Deswarte titulaire d'un Master II en Sciences Humaines et Sociales, spécialitéDidactique du français, de l'Université de Lille en France, a travaillé commeprofesseur de français et chercheuse à la Faculté de Communication et Langage àl'Université Javeriana de Bogota (2013-2017), Colombie. Actuellement, elle travailleà l'Université Santiago de Cali, Colombie, dans le Département de Langage et LanguesÉtrangères de la Faculté d'Éducation.
Fanny Janneth Baquero diplômée de la Licence en Philologie et Langues del'Université Nationale de Colombie. Titulaire d'un Master en Enseignement des LanguesÉtrangères de l'Université Pédagogique Nationale de Colombie et d'un MasterII en Analyse et Programmation de la Communication de l'Université de Nantes, France. Actuellement, elle travaille comme professeur du Département de LanguesÉtrangères à l'Université Nationale de Colombie et à la Faculté de Communicationet Langage à l'Université Javeriana de Bogota, Colombie.
Javier Hernando Reyes-Rincón professeur associé à plein temps à la Faculté deCommunication et Langage à l'Université Javeriana de Bogota, Colombie. Titulaired'un master en Littérature et Lettres Modernes de l'Université de Bretagne Occidentale,France, et d'un master en Linguistique de l'Université Nationale de Colombie. Il apublié des recherches dans le domaine de la sémiotique publicitaire et de l'écritureacadémique en situations de bilinguisme et d'interculturalité.
Carolina Plata Peñafort diplômée de la Licence en Philologie en français-espagnolde l'Université Nationale de Colombie. Titulaire d'un master en Didactique dufrançais de l'Université Stendhal Grenoble 3 – France et d'un master en LinguistiqueAppliquée à l'Enseignement de l'Español comme Langue Étrangère de l'UniversitéPontificale Javeriana, Colombie. Actuellement, elle est professeure associée à pleintemps du Département des Langues Modernes en français et en espagnol. Elledirige de travaux de recherche au niveau de Licence et de Master.
L'article présente les erreurs fossilisables que les étudiants de Licence en Langues Modernes de l'Université Pontificale Javeriana font en phonétique et phonologie dans les niveaux intermédiaires (B2) de français. À partir des concepts clés (phonétique, phonologie, fossilisation et erreur fossilisable), nous analyserons un corpus de productions orales, les réponses à un questionnaire adressé aux étudiants et des entretiens semi-directifs réalisés avec les enseignants des cours. Nous démontrons que les erreurs caractéristiques des hispanophones persistent dans ces niveaux et risqueraient de ne pas être corrigées à moins que des stratégies pédagogiques soient mises en place à fin d'empêcher leur fossilisation.
El artículo presenta los errores fosilizables que los estudiantes de la Licenciatura en Lenguas Modernas de la Pontificia Universidad Javeriana cometen en fonética y en fonología en los niveles intermedios (B2) de francés. A partir de conceptos clave (fonética, fonología, fosilización y error fosilizable), analizaremos un corpus de producciones orales, las respuestas a un cuestionario dirigido a estudiantes y entrevistas semiestructuradas realizadas a profesores de los cursos. Se demuestra que los errores característicos de los hispanohablantes persisten en esos niveles y podrían no ser corregidos a menos que se desplieguen estrategias pedagógicas con el fin de evitar su fosilización.
This article presents the fossilizing mistakes made by the Modern Languages students of the Pontificia Universidad Javeriana in the French phonetics and phonology in the French intermediate course (B2). Based on key concepts (phonetics, phonology, fossilization and fossilizing mistakes) we analyze an oral production corpus, the answers to a questionnaire for students, and semi-structured interviews made to the course teachers. It is shown that typical mistakes by the Spanish-speaker persist among students in this level and are would not be corrected unless some pedagogic strategies are implemented to prevent the fossilization.
Au fil du temps, le statut de l'erreur a évolué à travers le concept d'apprentissage (
Dans cette optique, la présente recherche a pour but d'identifier les erreurs fossilisables que les étudiants de Licence en Langues Modernes de l'Université Pontificale Javeriana commettent en phonétique et phonologie dans les niveaux intermédiaires (B2) de français.
Dans
un premier temps, cet article présentera le cadre théorique qui comprend les
concepts de phonétique et phonologie (
Dans
la première partie de cet article nous nous intéresserons aux études qui ont
déjà été menées sur l'identification des difficultés relatives à l'acquisition
de la phonétique et de la phonologie française chez les apprenants
hispanophones. Nous y aborderons également plusieurs concepts clés qu'il
convient de définir dans le cadre de cette recherche notamment ceux de
La phonétique, “science de la face matérielle des sons
du langage humain”, ainsi que [Nicolas S.] Troubetzkoy la définit, étudie les
éléments phoniques d'une langue sans tenir compte de leur rôle dans la
communication. Par opposition, la phonologie, “science de la face
fonctionnelle” des éléments phoniques étudie le rôle que jouent ceux-ci dans la
communication (
La
Par opposition, la
Finalement,
l'une des branches de la phonologie est la
D'après les tests de discrimination phonétique que ce même auteur a réalisés lors d'une étude menée en 1996 sur des débutants espagnols de l'Université de León (Espagne), les principales difficultés au niveau de la prononciation ont lieu sur les phonèmes et archiphonèmes suivants:
Les voyelles orales: [y] et [OE]1
Les voyelles nasales: [ɑ̃ ], [ɛ̃ ] et [ɔ̃ ]
Les semi-voyelles: [j] et [ɥ]
Les consonnes: [v], [z], [ʃ], [ʒ] et [R]
D'autre
part, grâce une étude menée auprès d'étudiants hispanophones de Master à
l'Université de Murcia (Espagne), Zahira Carles-Navarro, Carmen
Álvarez-Cienfuegos López de Hierro et Marisol Carrillo-Gallego (
Si
ces études nous permettent d'avoir un premier aperçu des difficultés que les
étudiants hispanophones éprouvent lors de l'apprentissage du français, elles
présentent également quelques conseils didactiques en ce qui concerne
l'enseignement de la langue française à ce type de public. Par exemple, selon
Carles-Navarro, Álvarez-Cienfuegos López de Hierro et Carrillo-Gallego (
D'après
les études menées par Michèle Freland-Ricard et Isabelle Guaïtella en 1996,
“l'influence des patrons mélodiques et rythmiques de la L12 peuvent provoquer
une altération dans l'organisation syntaxique et prosodique de la L23” (
Finalement,
Alberto Carcedo-González (
La
Du point de vue de la linguistique appliquée, ces conditions et circonstances peuvent être liées :
à la satisfaction communicative, c'est-à-dire la compréhension globale de la part des interlocuteurs natifs lorsqu'un apprenant s'exprime en langue étrangère, qui provoque qu'une fois que ce dernier atteint un certain niveau de communication, sa langue cesse de progresser et certains aspects se fossilisent (
aux caractéristiques de l'input4 qui, dans le cours de langue, ne sont pas toujours les plus adéquates et qui s'ajoutent à un output5 la plupart du temps insuffisant pour acquérir les contenus linguistiques et encore moins pour éviter et corriger la fossilisation (
Sonsoles
Fernández (1996) différencie les erreurs en deux catégories: les erreurs de développement
(ou transitoires) et les erreurs fossilisables (ou permanentes). Les
erreurs dites de développement apparaissent rarement dans les niveaux
avancés et si c'est le cas, elles sont dues à un manque d'attention, à la
fatigue ou bien encore aux nerfs. Ces erreurs peuvent être corrigées par
l'apprenant lui-même par la formulation de nouvelles hypothèses sur le
fonctionnement de la langue. Par opposition, les erreurs fossilisables sont
des erreurs qui réapparaissent dans des étapes successives de l'apprentissage
de la seconde langue, autrement dit à différents moments de l'interlangue de
l'apprenant. Il s'agit de structures qui sont diverses et qui offrent une
certaine résistance, c'est-à-dire qui représentent une difficulté particulière
pour l'apprenant. Pour ce même auteur, il est essentiel d'intervenir sur ces
dernières pendant leur phase de stabilisation avant qu'elles ne soient
totalement fossilisées. Pour ce faire, il faut offrir un contexte linguistique
riche et varié pour que l'apprenant formule de nouvelles hypothèses concernant
le fonctionnement de la langue cible. Il est également important d'éviter des
explications trop simples ou bien au contraire trop théoriques car elles
peuvent affecter le processus d'acquisition (
De plus, José Manuel Martín-Morillas (
En somme, l'étude de la fossilisation chez les non-natifs implique l'identification des sources et de types d'erreurs aussi bien que l'analyse des facteurs liés à l'entourage pédagogique et ceux d'ordre neurolinguistique tels que l'attitude ou la motivation par exemple.
Cette étude a été menée à l'Université Pontificale Javeriana institution d'enseignement supérieur privée située à Bogota, auprès d'une cinquantaine d'étudiants qui apprennent le français dans le cadre de leurs études de Licence en Langues Modernes (LLM) que propose la Faculté de Langues et Communication. Les étudiants qui ont participé à cette étude ont entre 20 et 24 ans et ont un niveau intermédiaire de français (niveau B2 selon le Cadre européen commun de référence pour les langues – CECRL). Il est important de préciser que, dans cette institution, l'apprentissage du français se déroule sur 6 niveaux correspondants à 6 semestres universitaires. Les étudiants de niveau 5 ont obligatoirement passé l'examen du DELF6 de niveau B1 du CECRL, qui correspond à environ 300 heures d'apprentissage, et les étudiants finalisant le niveau 6 doivent présenter l'examen du DELF de niveau B2 du CECR correspondant à environ 500 heures d'apprentissage du français. Pour cette recherche, nous avons donc décidé de nous intéresser à la totalité des étudiants de ces deux derniers niveaux car ils terminent leur apprentissage du français dans le cadre universitaire et vont prochainement être diplômés.
D'autre part, nous avons compté sur la participation de cinq professeurs de français qui travaillent au sein de l'université et donnent cours à ces mêmes étudiants de derniers niveaux.
L'objectif principal de cette étude de type descriptif est d'identifier les erreurs fossilisables que les étudiants des derniers niveaux (niveaux 5 et 6) de français de la Licence en Langues Modernes de l'Université Pontificale Javeriana commettent en phonétique et en phonologie.
Nous exposerons dans les paragraphes suivants les instruments et techniques que nous avons utilisés pour l'identification de ces erreurs. Dans un second temps, nous présenterons la méthodologie retenue afin de classifier les erreurs identifiées.
Nous rendrons compte des trois instruments utilisés dans le cadre de cette étude, c'est à dire du questionnaire que nous avons réalisé auprès des étudiants des derniers niveaux de français, des entretiens que nous avons menés auprès de leurs professeurs et finalement, de l'analyse des productions orales des étudiants concernés.
Un total de 46 étudiants (de niveaux 5 et 6 confondus) a répondu au questionnaire que nous avons élaboré et mis en ligne7 afin d'avoir un premier aperçu, du point de vue de ces derniers, des erreurs qu'ils peuvent commettre en ce qui concerne la phonétique et phonologie du français. Cette quantité d'étudiants est un échantillon représentatif pour notre étude car elle couvre un haut pourcentage de la population d'étudiants des cours de français de niveau 5 et 6 de la LLM.
Ce questionnaire est composé de 14 questions, majoritairement fermées ou à choix multiples, qui se basent sur notre expérience en tant qu'enseignants de Français Langue Étrangère, FLE, avec ce type de public. Ces questions reposent donc sur des hypothèses que nous avons émises en ce qui concerne les erreurs fossilisables que peuvent commettre ces étudiants en phonétique et phonologie du français. Ci-dessous, les
Finalement,
le questionnaire propose deux questions ouvertes (cf
Ces deux dernières questions ont permis aux étudiants d'apporter une réflexion plutôt personnelle sur les raisons pour lesquelles ils pensent commettre les erreurs préalablement citées dans le questionnaire.
Des entretiens individuels ont été réalisés auprès de cinq professeurs de français qui donnent cours aux étudiants des derniers niveaux à l'Université Pontificale Javeriana dans la cadre de la LLM.
Ces entretiens se sont déroulés au sein même de l'université et ont été enregistrés. Ils ont comme premier objectif de collecter des données sur les erreurs que commettent, de manière systématique et répétée, ces étudiants au niveau de la phonétique et phonologie françaises. Ils ont également permis aux professeurs interviewés de s'exprimer sur la cause de l'erreur et la méthodologie à employer pour les corriger.
Nous avons choisi de mener des entretiens de type semi-directif, c'est à dire basés sur quelques questions guides ouvertes auxquelles nous souhaitions que les professeurs répondent:
1. Quelles erreurs persistent chez les étudiants des niveaux 5 et 6 de la LLM en ce qui concerne la phonétique et phonologie du français? Nous entendons par là, les erreurs dites persistantes, systématisées ou bien encore fossilisables, que les étudiants commettent mais qui correspondent peut-être à un niveau antérieur d'apprentissage.
2. À votre avis, pourquoi ces erreurs sont persistantes?
3. Comment pourrait-on remédier à ces erreurs?
Le type d'entretien retenu a permis aux professeurs de parler ouvertement en utilisant les mots qu'ils souhaitaient et dans l'ordre qui leur convenait. Grâce à ce procédé, nous avons pu recentrer l'entretien sur les thèmes qui nous intéressaient et relancer les professeurs interviewés sur les sujets qui nous paraissaient importants à développer.
Dans un premier temps, nous avons écouté les productions orales de tous les étudiants participant à notre étude. Néanmoins, nous avons décidé d'analyser seulement 12 documents car nous avons remarqué que les erreurs identifiées se répétaient. Il faut préciser que ces documents ont été enregistrés ou filmés en dehors de l'université. Les consignes données aux étudiants étaient les suivantes:
1. Présentez-vous: parlez de vos goûts et activités puis de votre intérêt pour l'apprentissage du français (3 à 5 minutes).
2. Présentez un événement historique de votre choix (minimum 5 minutes).
Comme vous pouvez le constater, la première consigne donnée peut paraître un peu simple pour des étudiants de niveau B1 à B2. Cependant, celle-ci nous a permis de mettre en confiance les étudiants participant à cette étude et de leur permettre de parler avec fluidité de thèmes personnels, c'est-à-dire de sujets qu'ils maîtrisent oralement. La deuxième consigne est quant à elle plus adaptée au niveau des étudiants. Cependant, il est important de remarquer que la difficulté des consignes données n'a pas d'influence sur l'apparition des erreurs que ce soit au niveau de la phonétique et de la phonologie ou bien encore à d'autres niveaux linguistiques. En effet, rappelons que notre étude porte sur l'identification des erreurs fossilisables qui réapparaissent de manière systématique à différents moments de l'interlangue de l'apprenant (
Une
fois toutes les erreurs identifiées, nous nous sommes basés sur la
classification proposée par Angélica Alexopoulou (
1. Pour le niveau phonétique:
a. Les voyelles
a.a. Les voyelles fermées
a.b. Les voyelles nasales
a.c. Les semi-voyelles
Les consonnes
b.a. Les consonnes
b.b. Les consonnes finales
b.c. Le [ə] instable
2. Pour le niveau phonologique:
a. La liaison et l'enchaînement
b. L'intonation
c. La fluidité
Finalement, nous avons repris et adapté le
a. Ajout: apparition injustifiée d'un phonème qui ne devrait pas être prononcé dans un mot ou groupe de mots. Exemple: le mot blan
b. Omission: absence d'un phonème qui devrait se prononcer dans un mot ou dans un groupe de mots. Exemple: le mot bu
c. Mauvais choix: choix incorrecte d'un phonème dans un mot ou groupe de mots. Exemple: le mot poi
d. Mauvais emplacement: emplacement incorrect d'un phonème dans un mot. Exemple: le mot entreprise prononcé [ɑ̃ tə p iz
Cette dernière partie vise à présenter l'analyse des résultats obtenus grâce aux différents instruments de collecte de données que nous avons utilisés dans le cadre de cette recherche: le questionnaire mené auprès des étudiants, les entretiens menés auprès des professeurs et l'analyse des documents de production orale (enregistrements et vidéos) des étudiants.
Nous proposons ici une triangulation, ou croisement, des résultats (cf.
Suite
à la triangulation des résultats, nous avons pu identifier les erreurs
fossilisables qui sont présentées dans le
Tous les professeurs interviewés coïncident sur le fait que les étudiants éprouvent des difficultés au niveau de la différenciation des phonèmes [oe]-[ø] et [ɛ]-[e]. Il est évident que l'inexistence des phonèmes [oe] et [ø] et de la nuance phonique entre [ɛ] et [e] dans la langue maternelle des apprenants, qui rappelons-le est l'espagnol, explique en partie ces difficultés.
D'autre part, les résultats du questionnaire nous révèlent un tout autre aspect des plus intéressants: 50% des étudiants qui ont répondu au questionnaire avouent présenter des difficultés lors de la prononciation de la combinaison des voyelles “ei” et des voyelles “eu”. Ce problème de prononciation pourrait être mis en relation avec la difficulté qu'ont les étudiants à différencier les phonèmes [oe] - [ø] et [ɛ] - [e]. Nous pourrions alors en déduire que si l'étudiant n'est pas capable de différencier certains phonèmes, il ne sera pas non plus capable de les reproduire, et encore moins d'en reconnaître leurs graphies. Souvenons-nous des affirmations de Zahira Carles Navarro, Carmen Álvarez-Cienfuegos López de Hierro et Marisol Carrillo Gallego (
L'analyse
des questionnaires, des entretiens et des documents de production orale ont mis
en évidence que les étudiants éprouvent des difficultés au niveau de la
prononciation de la voyelle fermée [y] qu'ils ont tendance à prononcer [u].
Cette voyelle s'avère en effet difficile à prononcer pour un étudiant
hispanophone qu'elle soit située au début d'un mot (comme dans
De
plus, les apprenants sont en général conscients de ce phénomène car 37% des
étudiants qui ont répondu au questionnaire avouent éprouver des difficultés au
niveau de la prononciation de cette voyelle. Cette difficulté pourrait être due
à un problème de phonétique acoustique. C'est ainsi que la voyelle [y], qui est
une voyelle antérieure8 (encore appelée aiguë), est alors
prononcée [u], voyelle postérieure9 (ou
Lors
de l'analyse des résultats, la prononciation des semi-voyelles [ɥ] et [j]
apparaît également problématique comme par exemple dans les mots
Comme pour le son [y], le problème de prononciation du son [ɥ] semble être dû à son niveau acoustique. Cette semi-voyelle est alors prononcée dans la plupart des cas [wi].
D'autre part, le questionnaire nous révèle que la difficulté pour prononcer le son [j] pourrait non seulement être due à un problème d'articulation mais également à un problème de reconnaissance graphique. Si nous prenons comme exemple le mot
De la même manière, les voyelles nasales [ɑ̃ ], [ɛ̃] et [ɔ̃ ], inexistantes en espagnol, sont également sources de difficultés. L'étudiant hispanophone va alors remplacer ces voyelles nasales par une voyelle orale suivie d'une consonne nasale. La voyelle nasale [ɑ̃ ] aura donc tendance à être prononcée [an] / [am] ou [ɛn] / [ɛm]; la voyelle nasale [ɛ̃] sera prononcée la plupart du temps [in] / [im]; et la voyelle [ɔ̃ ] sera prononcée [ɔn] / [ɔm].
Comme pour les semi-voyelles, ce problème de prononciation s'ajoute à un problème de reconnaissance graphique. Comme le révèle le questionnaire, si les étudiants ont conscience de ces difficultés, leurs réponses mettent en évidence que le phonème [ɛ̃ ] leur poserait plus de difficultés que le phonème [ɑ̃ ] et [ɔ̃ ]. Ceci pourrait être dû aux diverses graphies possibles du son [ɛ̃ ]: “in”, “im”, “ein”, “ain”, “yn”, “ym”, “un”, “um” et “en”.
La voyelle [ə] instable en fin de mot peut également être source de difficulté pour la population concernée. Selon l'un des professeurs interviewés, il peut effectivement y avoir des confusions en ce qui concerne la prononciation de la voyelle finale “e” des verbes conjugués. Si les verbes sont mal prononcés (exemple:
Par ailleurs, le questionnaire met en évidence qu'en général les étudiants prononcent de manière systématique le [ə] instable lorsqu'il est présent en milieu de mots (par exemple:
En ce qui concerne les consonnes, l'ensemble des instruments de collecte de données mettent en avant la difficulté que les étudiants ont pour différencier les paires consonantiques suivantes: [v]-[b], [s]-[z] et [ʒ]-[ʃ]. Mais au-delà de la différenciation, les étudiants éprouvent également des difficultés pour prononcer:
• la consonne labiodentale10 [v] est prononcée [b], consonne bilabiale11. Nous remarquons ici un problème au niveau du point d'articulation de ces deux phonèmes.
• la consonne sonore12 [z] est prononcée [s], son sourd13. Il s'agit ici également d'un problème articulatoire.
• le phonème [ʒ] a tendance à être prononcé [dʒ] en début de mot (par exemple: je prononcé [dʒ]) et [) et link https://fr.wikiped: âge prononcé [ap]).
• la consonne constrictive14 sourde [ur est prononcée en général [te] surtout en début de mot (par exemple: chez prononcé [tpr]).
Lors
de l'analyse des résultats, nous avons également remarqué que les étudiants ont
tendance à prononcer le phonème [s] en début de mot [es] comme dans
L'analyse des données obtenues montrent que quelques étudiants prononcent la consonne finale de certains mots comme par exemple dans
D'autre part, les étudiants disent avoir plus de difficultés pour omettre la prononciation des consonnes [p] en fin de mot comme dans sirop et [k] comme dans tabac. Nous pouvons donc penser que ces phénomènes, étant plus rares et même étant perçus comme des exceptions dans la langue française, sont de ce fait plus difficiles à acquérir pour les apprenants.
Au niveau de la liaison et de l'enchaînement, plusieurs cas se présentent:
a. Omission de la liaison (par exemple: vingt et u
b. Ajout de la liaison avec les mots qui commencent par un “h” aspiré (par exemple: trè
c. Mauvais choix de liaison (par exemple: quan
L'analyse de données recueillies nous révèle que les règles et exceptions de liaison et d'enchaînement ne sont pas maîtrisées par la majorité des étudiants. D'ailleurs, ces mêmes exceptions sont la plupart du temps source d'erreurs pour les apprenants en question. Il est évident que ces erreurs affectent également le rythme et la fluidité générale du discours.
En ce qui concerne l'intonation des phrases du discours, nous remarquons que l'influence de la langue espagnole est très présente. La plupart des étudiants ont tendance à accentuer la fin de chaque phrase (par exemple:
Pourtant, si l'on reprend les propos de Élisabeth Guimbretière (
D'autre
part, un des professeurs interviewés met en avant un problème relatif aux
marques prosodiques de type
Il est évident que les causes de la fossilisation de l'erreur sont diverses. Tous les professeurs interviewés sont cependant d'accord sur le fait que les erreurs fossilisées peuvent être dues aux interférences avec la langue maternelle de l'apprenant, c'est-à-dire avec l'espagnol.
Comme l'explique Élisabeth Guimbretière (
Cependant, la question est bien plus complexe: cette théorie fonctionne dans le cas d'apprenants débutants mais ne peut tout expliquer lorsqu'il s'agit, comme dans le cadre de cette recherche, d'étudiants de niveau intermédiaire de français.
Au-delà des interférences entre langue maternelle et langue à apprendre, bien d'autres aspects sont à l'origine de la fossilisation des erreurs. Tout d'abord, la plupart des professeurs mettent en avant le manque d'exposition à la langue à apprendre. Nous retrouvons ici l'une des causes de la fossilisation de l'erreur évoquée par Rod Ellis (
La deuxième raison mentionnée par les professeurs interviewés peut être mise en relation avec la méthodologie enseignante utilisée en cours. D'après ces derniers, il ne faut pas seulement corriger l'erreur mais également l'étudier. La seule correction de l'erreur ne permettrait pas à l'apprenant de ne plus la commettre par la suite. Il n'y a en effet aucun intérêt à ce que l'apprenant imite et répète la forme correcte sans savoir pourquoi. Il est important qu'il puisse prendre conscience de ses erreurs et comprendre au niveau acoustique et articulatoire le fonctionnement de chaque phonème.
Finalement,
comme nous l'avons cité plusieurs fois, un entraînement graphophonologique est
primordial car la simple répétition de mots et phrases ne permet parfois pas
d'obtenir chez les étudiants hispanophones qui apprennent le français un niveau
de prononciation correcte (
Dans ce travail de recherche, nous avons tenté d'identifier les erreurs fossilisables de phonétique et de phonologie du français chez des apprenants hispanophones. Au niveau phonétique, nous avons pu mettre en évidence des difficultés liées à la prononciation des voyelles fermées, des semi-voyelles, des voyelles nasales et de la voyelle [ə] instable; nous avons également pu identifier des difficultés pour différencier les voyelles [ɛ]-[e] et [oe]-[ø], les consonnes [v]-[b], [s]-[z] et [ʒ]-[ʃ] et finalement, des erreurs fossilisables dans la prononciation des consonnes finales et du phonème [s] en début de mot. En ce qui concerne les aspects phonologiques du français, les erreurs fossilisables identifiées se concentrent principalement au niveau de la liaison et de l'enchaînement puis du rythme et de l'intonation.
Dans le cadre d'un programme de formation de futurs enseignants en langues étrangères comme la LLM, le développement de la seule compétence communicative, qui occupe une place privilégiée dans le contexte actuel, n'est pas suffisante pour garantir la formation de ces futurs enseignants. Il devient donc nécessaire de développer chez l'apprenant la maîtrise des habilités de compréhension et d'expression orales dans les aspects phonétiques et phonologiques qui sont essentiels dans la communication et dans les processus d'enseignement/apprentissage des langues étrangères.
Des recherches futures pourraient tenter d'identifier les causes de ces erreurs fossilisables, ce qui ouvrirait des discussions et des réflexions pour la présentation de nouvelles stratégies pédagogiques et méthodologiques afin de surpasser certaines de ces problématiques, tenant compte des propositions théoriques présentées depuis des années, comme la méthode de correction verbo-tonale15 et d'autre part, de l'intégration des concepts fondamentaux de phonétique simplifiés et adaptés; il semble en effet inutile d'introduire une terminologie utilisée par des spécialistes dans le cours de langue. Ces contenus, dûment dosés, aideraient les enseignants en formation à développer une attitude réflexive face à l'apprentissage du comportement de la matière phonique de la langue étudiée. De même, la conception et l'adaptation d'activités favorisant l'observation accompagnées d'une pratique systématique dans des contextes facilitants (Callamand, 1981), constituerait un outil pédagogique efficace. La conception d'une telle méthodologie peut être l'objet d'une recherche postérieure. Nous espérons également que les pistes de réflexion présentées dans cet article donneront naissance à d'autres études sur les erreurs fossilisables soit avec un type de public différent, soit à un autre niveau linguistique comme par exemple la morphosyntaxe, la sémantique ou la pragmatique.
L'auteur a ici décidé de remplacer l'opposition vocalique [oe] et [ø] par l'archiphonème [OE].
Les auteurs utilisent ici “L1” pour se référer à la langue maternelle.
Les auteurs utilisent ici “L2” pour se référer à la langue seconde.
Nous retiendrons par
Nous retiendrons par
Diplôme d'Étude en Langue Française délivré par le Ministère français de l'Education Nationale.
Le questionnaire est disponible sur https://docs.google.com/forms/d/1rrpKb4eudO50oQesh6 ueo7q9Litfnp8ifAw-gkKB3rU/edit
Une voyelle est dite
Une voyelle est caractérisée de
Une consonne est dite
Une consonne est dite
Une consonne est caractérisée de
La consonne est dite
La consonne est dite
La méthode verbo-tonale de correction phonétique est “une méthode structuro-globale et structurante de correction phonétique qui préconise une intégration non intellectualisée du matériel phonique et assure la mise en place de conditions optimales de perception/reproduction, soit par la sélection de positions et d'environnements favorables, soit par l'intervention directe dans l'émission des messages pour restructurer la perception auditive du sujet et le sensibiliser aux éléments non perçus” (
Description de l'article | Descripción del artículo | Article description: En este artículo, derivado de la investigación Identificación de errores fosilizables de fonética y fonología del francés, los autores presentan una investigación científica que fue llevada a cabo entre 2016 y 2017, cuyo principal objetivo es identificar y clasificar los errores fosilizables que los estudiantes de la Licenciatura en Lenguas Modernas de la Pontificia Universidad Javeriana de Bogotá, Colombia, cometen en la fonética y la fonología del francés. Este estudio se enfoca en los estudiantes de los niveles avanzados de la licenciatura (nivel B2 según el Marco Común Europeo de Referencia en Lenguas).