L’établissement thermal en Algérie aux XIXe et XXe siècles: naissance d’un tourisme de santé*
Thermal Spas in Algeria During the 19th and 20th Century: Birth of a Health Tourism
Balnearios en la Argelia de los siglos XIX y XX: el nacimiento de un turismo médico
Nedjar Nadia, Chergui Samia
L’établissement thermal en Algérie aux XIXe et XXe siècles: naissance d’un tourisme de santé*
Apuntes: Revista de Estudios sobre Patrimonio Cultural, vol. 35, 2022
Pontificia Universidad Javeriana
Nedjar Nadia a nadia.nedjar@univ-blida.dz
Université Saad Dahlab Blida 1, Argelia
Chergui Samia
Université Saad Dahlab Blida 1, Argelia
Reçu: 11 novembre 2020
Accepté: 23 Février 2022
Publié: 30 Juin 2022
Résumé:
L’Algérie est dotée d’un remarquable patrimoine thermal, riche en sources d’eaux naturelles, qui suscite aux XIXe et XXe siècle un grand attrait auprès des populations locale et coloniale. Au regard des nouvelles réglementations européennes sur l’amélioration des services hygiéniques, l’administration coloniale entame une large campagne de recensement et de mise à niveau des thermes et bains existants. Elle entreprend aussi la réalisation de nouvelles structures thermales à proximité d’anciennes sources naturelles. Partant du postulat que le thermalisme est d’abord une forme de tourisme, cette étude aborde le patrimoine de l’eau, considéré comme haut lieu culturel et touristique, aux vertus thérapeutiques. L’analyse systématique des sources archivistiques coloniales et leur confrontation aux investigations in situ, permet d’apporter un éclairage nouveau sur l’état des établissements thermaux pendant la colonisation. Elle contribue, par ailleurs, à faire le point sur le renouveau du thermalisme sous le prisme de l’hygiénisme et du tourisme de santé.
Mots clés:etablissement thermal, Algérie, patrimoine, tourisme de santé, France coloniale.
Abstract:
Algeria is endowed with a remarkable thermal heritage, with a richness of natural sources of water, which aroused a great interest in the local and colonial populations during the 19th and 20th century. Considering the new European regulations about the improvement of hygienic services, the colonial government gave start to a large census and upgrading campaign of the existing spas and baths. Also, the government undertakes the construction of new thermal structures near old natural springs. Starting from the postulate that thermalism is mainly a form of tourism, this study does an approach to the heritage of water, considered as a place of high cultural and touristic value, with therapeutic virtues. The systematic analysis of colonial archival sources and its confrontation with in situ investigations, allows to bring a new light on the state of the thermal spas during colonization. Moreover, it contributes to take stock of the revival of thermalism under the prism of hygienism and health tourism.
Keywords: thermal spa, Algeria, heritage, health tourism, colonial France.
Resumen:
Argelia está dotada de un destacable patrimonio termal, rico en fuentes de agua naturales, las cuales suscitaron un alto interés para las poblaciones locales y coloniales durante los siglos XIX y XX. En vista de las nuevas normativas europeas sobre el mejoramiento de los servicios de higiene, el gobierno colonial dio inicio a una larga campaña de censo y mejora de las termas y baños existentes. El gobierno emprende así la creación de nuevas estructuras termales cerca de antiguas fuentes naturales. Partiendo del postulado de que el termalismo es principalmente una forma de turismo, este estudio aborda el patrimonio del agua, considerado como un espacio de alto valor cultural y turístico con virtudes terapéuticas. El análisis sistemático de fuentes documentales coloniales, y su confrontación con investigaciones in situ, permite un nuevo esclarecimiento sobre el estado de los balnearios durante la colonización. Este contribuye, además, a realizar un balance del restablecimiento del termalismo bajo el prisma del higienismo y el turismo médico.
Palabras clave: balneario, Argelia, patrimonio, turismo médico, Francia colonial.
Introduction
Dès la fin du XIXe siècle, l’administration coloniale (ce sont les colons Français qui sont venues en terre d’Algérie pour des raisons bien précis. Accorde un réel intérêt aux sources thermales en Algérie, voulant développer la notion du thermalisme et par la suite le tourisme de santé à travers le territoire Algérien). Confrontée à la difficulté de les soumettre à une quelconque forme d’exploitation, en raison de leur état de conservation précaire et leur salubrité incertaine, il a fallu d’abord les inventorier, ensuite les réhabiliter. Comme en France, au Mont-Dore et à Bagnères-de-Bigorre, la majorité des sources d’eaux algériennes sont situées en montagne : Hammam Bou-Hanifia à Mascara, Hammam Righa à Alger et Hammam Guergour à Sétif. De même que pour Néris-les-Bains en France, d’autres sources thermales occupent des zones moins accidentées dans l’est et le sud algérien, comme Hammam Chellala à Guelma ou Hammam Salihine à Biskra (Comité d’hivernage Algérien, 1909, p. 1). Ce sont deux situations géographiques différentes des sources et deux implantations modernes de bâtiments thermaux qui suscitent chacune un type de développement spécifique afin de promouvoir un tourisme de santé.
Les Algériens continuent, durant les XIXe et XXe siècles, à manifester une vénération sans limite aux sources thermales, où ils séjournent régulièrement de Mai à Novembre, à la recherche de remède divin contre les maladies (Babilee, 1927, p. 1). Les Européens semblent aussi motivés par ces thérapies thermales, inspirées par les traditions locales (Smith et Puczkó, 2015, p. 216). Au vu de leurs vertus thérapeutiques, ces lieux de thermalisme ont fait l’objet de prospections scientifiques par les médecins militaires français. Ainsi, une nouvelle stratégie est mise en place pour assurer le développement du thermalisme moderne en améliorant les conditions de soins et d’hébergements ; ce qui semble avoir contribué à la naissance d’un tourisme de santé.
A travers cette étude du patrimoine thermal algérien, nous avons recherché d’une part ce qu’il pourrait représenter. Et là ce sont au moins trois dimensions historiques, sociétale et culturelle, qui semblent se dégager en rapport avec le tourisme de santé. Nous avons abordé d’autre part la promotion du thermalisme moderne et le développement de véritables villes d’eaux en Algérie, durant la colonisation.
Méthodologie
Pour cette étude, la méthodologie s’appuie sur l’étude historique et l’analyse architecturale de quelques exemples d’établissements thermaux. Nous avons procédé à une large collecte de données bibliographiques, cartographiques, photographiques et iconographiques.
Les documents d’archives françaises, datant des XIXe et XXe siècles, constituent aussi une source fondamentale. Notre dépouillement des fonds d’archives des Territoires du Sud et des services de la Santé publique conservés aux Archives nationales d’Algérie (CNA) a révélé cette documentation pour la plupart inédite et peu exploitée, qui aborde le patrimoine thermal algérien. Notre prospection et analyse documentaire est complétée, à Aix-en-Provence, par l’exploration des fonds d’archives du Gouvernement général et des anciens départements d’Algérie aux Archives nationales d’outre-mer (ANOM), ainsi que des fonds d’archives privées du Centre de documentation sur l’histoire de l’Algérie (CDHA).
Nos investigations in-situ ont permis d’évaluer le degré de conservation de chaque établissement thermal et le niveau de ses transformations, à l’ère coloniale, pour mieux servir comme lieu thérapeutique et touristique. Nous avons récolté, au niveau des établissements thermaux sous étude, les documents graphiques et photographiques, et nous avons actualisé aussi les relevés architecturaux. Ce qui a facilité la compréhension de leur organisation spatiale et de leur expression architecturale et les conditions de leur reconversion en de véritables villes d’eaux.
Naissance et développement du thermalisme en Europe et au Maghreb
La naissance du thermalisme, aussi bien en Europe et qu’au Maghreb remonte à l’antiquité gréco-romaine ; période à laquelle la pratique thermale était plus considérée comme remède divin que comme traitement médical ou méthode thérapeutique particulière (Authier et Duvernois, 1997, p. 21). Les vestiges archéologiques romains qui témoignent d’un thermalisme passé, sont bien connus depuis l’âge classique (Jarrasse, 1987, p. 39).
Le thermalisme avait connu un véritable envol aux pays du Maghreb (Tunisie et Maroc) notamment en Algérie, grâce à l’avènement de l’urbanisme hygiénique qui implicitement avait conduit à la réalisation des sanatoriums et des établissements thermaux. L’émergence de ce nouveau mouvement durant cette époque, avait permis l’adoption de la notion du thermalisme moderne et de bien-être.
Allant dans le même sens que l’Europe, la notion de thermalisme s’est développée un peu partout à travers le Maghreb et l’Algérie, donnant à la pratique médicale un nouveau souffle et une nouvelle ouverture. Ce développement avait bien fait émerger la transformation de petit bain thermal vers une ville d’eau contenant toute les commodités nécessaires pour effectuer une cure thermale.
Au milieu du XVIIIe siècle, une nouvelle forme de thermalisme voit le jour en Europe et spécialement en France. Dotée d’une situation géographique exceptionnelle et baignant dans le courant romantique, ce pays accueille de nombreux voyageurs anglais pour un pèlerinage aux sources thermales de la civilisation latine ou grecque (Jamot, 1988, p. 28). Rares sont les édifices monumentaux de thermalisme qui y sont édifiés avant le XVIIIe siècle, mis à part Bourbon-l’Archambault et Vichy qui se vantent de leurs origines gallo-romaines. Seuls, les bassins romains et médiévaux délabrés demeurent les bains des pauvres (Jarrasse, 1987, pp. 12-21).
Au début du XIXe siècle, la France thermale connaît sa plus importante croissance. Le voyage aux eaux devient l’itinéraire obligé pour tous les romantiques, poursuivant un mouvement déjà commencé à la fin du XVIIIe siècle. Ainsi, de nombreuses personnalités (notables, écrivains, artistes, scientifiques….etc.) se rendent souvent aux villes d’eaux, dotées de grands bâtiments richement décorés (Berbain, 2013, p. 1). Les architectes de l’époque ont su mettre en avant un aspect bien particulier qui a pu différencier l’établissement thermal moderne de celui de l’antiquité romaine, à travers deux éléments propices aux décors : la façade et le hall.
La seconde moitié du XIXe siècle est la période la plus faste de l’histoire du thermalisme sous Napoléon III. On note une augmentation remarquable du nombre de curistes fréquentant les établissements de soins à la recherche de bains hygiéniques ou thérapeutiques (Authier et Duvernois, 1997, p. 41). Par ailleurs, les progrès des sciences physico-chimiques ont fait en sorte que la médecine thermale évolue vers la recherche des mécanismes d’action des eaux thermales sur l’organisme ; ce qui a conduit à la détermination de leur classification selon leurs compositions chimiques, en appliquant aussi des règles de leur utilisation qui se résument en un séjour de « vingt-et-un jours » (Jamot, 1988, p. 7).
Une telle dynamique engagée dans le domaine du thermalisme favorise l’organisation de l’activité thermale avec ses codes, ses produits et ses esthétiques, mais surtout l’évolution du petit bain thermal vers une ville d’eau, comme Vichy et Aix-les-Bains. Autour des anciens établissements de bains qui subsistent encore au XIXe siècle, se sont donc créés soit des embryons de stations, soit des stations thermales complètes : bâtiment thermal pour les soins ; structures d’hébergement, casinos et espaces verts pour tourisme et loisirs (Jamot, 1988, p. 337).
Le Royaume-Uni dispose aussi de grandes stations thermales au XIXe siècle. Bath est devenue la plus importante villégiature d’Angleterre et presque la deuxième métropole (Grenier, 1984, p. 18). Fermé en 1976, l’établissement est transformé en musée de l’architecture thermale, exposant aussi un modèle unique de l’urbanisation liée à l’exploitation thermale (Jamot, 1988, pp. 75-76). Les influences les plus fortes sont, semble-t-il, celles de l’Allemagne, de l’Italie et de la Savoie, puisque le thermalisme y occupe une grande place. Des curistes et touristes sont séduits par ces sites thermaux, venant chercher la guérison de toute l’Europe, grâce à la réalisation des chemins de fer devenus le moyen de transport le plus approprié.
Les guides touristiques et de vulgarisation médicale d’Adolphe Joanne, Conty, Richard et Baedeker, qui remplacent les albums descriptifs de l’époque romantique, permettent également de promouvoir les stations thermales, au même titre que les plaquettes et les affiches (Penez, 2005, p. 126). Véritables supports publicitaires, ils associent l’aspect médical et les ressources touristiques d’un côté, et les paysages montagnards qui renforcent la notoriété des villes d’eaux de l’autre côté, afin d’attirer un public nombreux et socialement rentable (Authier et Duvernois, 1997, p. 121).
De même, les médecins participent à la vulgarisation de cette démarche associant tourisme et santé, en organisant des rencontres professionnelles et en défendant les mérites des traitements et la qualité des eaux que procure chaque station (Jamot, 1988, p. 45).
Ne pouvant pas rester en marge de l’Europe et particulièrement de la France, les stations thermales connaissent un essor sans précédent dans tout le Maghreb et l’Algérie, en particulier, donnant au thermalisme un nouveau souffle et une nouvelle ouverture. C’est au courant de cette époque que le patrimoine thermal algérien a vécu l’une des étapes les plus importantes de son développement. De 1875 à 1894, le nombre de sources augmente, en Algérie, de 140 à environ 196, réparties entre 145 sources à l’Est et au Sud, 35 au Centre et 16 à l’Ouest du pays (Bertherand, 1875, pp. 6-34).
Après ce bref survol de l’histoire du thermalisme, il ressort que le XIXe siècle met en avant des relations étroites entre thermalisme et tourisme. Les stations thermales, dotées de casinos, de théâtres et de kiosques à musique, sont alors considérées comme des éléments du patrimoine touristique d’une région, voire d’un pays. Dans le dernier quart du XIXe siècle, ces loisirs thermaux ont atteint une maturité qui leur permet d’être considérés comme des éléments-clés du thermalisme (Penez, 2005, p. 217 et p. 238).
Dans ce nouveau contexte, la conception du thermalisme est liée directement au tourisme, par des aspects médicaux, curatifs, divertissants ou climatiques et paysagers (Manna et al., 2019, p. 1). Alors touristes et curistes forment deux clientèles indissolublement liées dans les stations thermales. Elles ont en commun des aspirations identiques, celles du repos, de la détente et du bien-être ; ce qui a abouti à deux approches parallèles, remise en forme physique grâce à la cure, remise en forme psychique grâce au tourisme (Penez, 2005, p. 28).
Fondements de l’architecture thermale en France et au Maghreb durant le XIXe siècle
En France, l’établissement thermal est la clef de voûte de la station. Le curiste y passe près de la moitié de sa journée. La qualité des soins, la modernité des installations, le confort et le luxe de l’architecture en font toute sa réputation (Toulier, 2002, p. 51). Une architecture thermale qui se caractérise, au XIXe siècle, par la monumentalité de l’édifice et par sa distribution éclatée.
L’implantation du bâtiment thermal dans le paysage naturel obéit bien plus aux conditions hydrologiques que topographiques ou morphologiques. Elle tient surtout compte de la proximité du jaillissement des sources minérales afin d’assurer la conservation des propriétés thérapeutiques de leurs eaux. La loi exige d’ailleurs que l’eau soit exploitée au plus près des griffons. On peut le constater à travers l’exemple de la station thermale de Bagnères-de-Bigorre qui s’adosse au rocher. D’autres établissements thermaux décrivent la même situation, telles que Bourbon-l’Archambault et Saint-Nectaire. Le développement s’effectue généralement en façade et peut atteindre, comme à Vichy plus de 170 mètres de long (Toulier, 2002, p. 53).
Les façades des établissements thermaux, édifiés au XIXe siècle, correspondent à un schéma de composition traditionnelle symétrique. Le bâtiment est généralement marqué par un espace d’accueil central et deux ailes identiques.
Les aménagements de promenades à l’extérieur du bâtiment thermal et à l’intérieur de la ville d’eau, sont devenus un complément thérapeutique obligatoire pour le curiste, afin d’accomplir ses soins médicaux.
Des buvettes, des fontaines, des casinos et des théâtres font aussi parti de l’aménagement extérieur de ces édifices thermaux. Ces lieux de distraction focalisent les rencontres entre curistes et touristes. La buvette désigne à travers un circuit peu compliqué le parcours du curiste à travers le parc (Grenier, 1984, p. 76).
Le hall occupe une place majeure dans la distribution intérieure du monument thermal, car c’est le point central qui regroupe le reste des espaces de soins. Il se caractérise par une riche décoration de différents styles architecturaux, fresques à Vichy ou statues dans des niches à Evian par exemple. (Grenier, 1984, p. 74).
La galerie est une continuité du hall, car le curiste rejoint son espace de soins à travers ces couloirs voûtés de pierre. Les galeries portiques en structures métalliques, légères et transparentes servent, quant à elles, de passage entre l’établissement thermal et les buvettes et kiosques.
En Tunisie, l’architecture thermale du XIXe siècle se caractérise par un style néo-mauresque. Des infrastructures, telles qu’hôtels, palais et casinos offrent de nouvelles commodités aux curistes.
L’exemple de l’établissement thermal de Hammam-Lif donne un aperçu sur l’état originel du patrimoine de l’eau et sur ses transformations. Un pavillon beylical et un caravansérail construits en 1747, par Ali Bacha Bey, annoncent le démarrage officiel du thermalisme. En 1828, Hussein Bey a renouvelé et transformé le pavillon en un immense palais. Ce n’est qu’à partir de 1883, que l’état colonial ordonne la réalisation du premier établissement thermal commode, accompagné de plusieurs équipements (thermes, hôtels, casinos, villas…etc) (Abidi-Belhadj, 2016, p. 2)
En Algérie, les établissements thermaux sont construits, à l’ère coloniale, en respect de l’hygiénisme en vogue en Europe, au XIXe siècle, mais maintiennent un rapport fort complexe avec le paysage environnant, marqué par une culture locale (Jennings, 2006). Leur architecture adopte deux esthétiques distinctes : celle d’inspiration classique pour les établissements européens (Hammam Ayn Nouissy à Mostaganem, Hammam Meskoutine à Guelma p. ex.), tandis que le style imprégné d’une culture locale se distingue mieux dans les bains thermaux des autochtones (Hammam Mélouan à Blida, Hammam Ouled al-Ghalia à Chlef p. ex.). Néanmoins, le style néo mauresque s’exprime avec force dans certaines stations thermales fréquentées par les colons (Hammam Salihin à Biskra, Hammam Bou Ghrara à Maghnia p. ex) (Boufassa, 2018, pp. 12-15).
Intérêts des populations algériennes et européennes pour les sources thermales locales
Les nombreux établissements thermaux, tels que hammam N’bails-Nador, hammam Salihin ou hammam Righa montrent une persistance du thermalisme à travers les siècles. Les populations locales se baignent, soit dans des trous creusés par leurs soins, soit dans d’anciennes piscines romaines. Les Européens accordent aussi un intérêt grandissant pour les eaux thermales de l’Algérie colonisée. Celles-ci constituent une ressource précieuse pour eux qui sont insuffisamment acclimatés, leur permettant de lutter contre l’action affaiblissante des fortes chaleurs de l’été. Par ailleurs, d’autres raisons de nature thérapeutique et utilitaire ont incité l’administration coloniale à prospecter scientifiquement ces sources minérales, utilisées par des médecins militaires pour le traitement des soldats convalescents.
Or, l’état précaire des installations thermales locales, amène l’administration coloniale à engager aussitôt à leur faveur des actions d’amélioration et de développement. Ce mouvement prend de l’ampleur particulièrement dès le milieu du XIXe siècle. On s’est très vite investi, d’une part, dans la mise en état des vielles piscines romaines, comme les thermes de la fontaine chaude de Khenchela (Document du ministère de la guerre, 1853, p. 88), et d’autre part, dans la construction de nouvelles infrastructures, conformes aux nouvelles réglementations. De véritables établissements thermaux, bien structurés, fonctionnels, avec piscines, sont mis en chantier.
La construction de bon nombre d’établissements prestigieux, aux programmes architecturaux complexes, se succèdent sur tout le territoire colonisé. Les stations thermales accueillent désormais des structures hôtelières dotées du confort le plus moderne, mais aussi des casinos, et ce conformément au décret datant de 1806, par lequel Napoléon Ier autorise les jeux de hasard pendant la saison thermale. Des parcs thermaux sont également aménagés, permettant aux curistes de faire des promenades durant leur séjour.
Or, les archives coloniales des services de la Santé publique (CNA-Alger) foisonnent de données fondamentales sur le thermalisme à visé davantage plus curative hygiénique que divertissante. La conduite dictée par l’hygiénisme régnant tout au long du XIXe siècle marque la majorité de ces écrits archivistiques émanant des médecins militaires en charge d’améliorer la santé des soldats, au même titres que celle des populations civiles, qu’elles soient locales ou européennes.
Les premières réglementations relatives aux sources thermales et à leur contrôle sont mises en œuvre dès 1851. Elles attribuent à l’Etat les sources de toute nature, lui laissant le droit de les affermer ou de les concéder à des particuliers (Cellerier, 1932-1933, p. 2). Quant au statut et à l’identité des usagers des établissements thermaux, ils n’ont pas fait l’objet de réglementations spécifiques à l’ère coloniale. Ce qui avait rendu leur fréquentation par les autochtones et les colons plus ou moins consensuelle. Or, la ségrégation demeure toujours du domaine de l’implicite.
En parallèle à cette première dimension de thermalisme thérapeutique, on a contribué au développement du tourisme de santé, qui offre aux convalescents non seulement un séjour de soins, mais aussi de détente et de promenade. Dans les écrits des médecins français, il est stipulé que les stations thermales algériennes répondent aux exigences des curistes particulièrement européens (Million, 1856, p. 6).
Histoire et architecture des établissements thermaux Algériens
Une étude basée sur l’identification d’établissements thermaux Algériens, permettra de mettre en valeur ce patrimoine de l’eau qui reste l’un des vestiges les plus remarquables sur le sol Algérien. Quelques points méritent d’être traités dans les monographies élaborées, afin de donner à ce thermalisme de santé une dimension touristique, historique et paysagère :
en s’intéressant d’abord à la nature, au statut et au toponyme de l’établissement thermal qui peut être révélateur de son origine et histoire,
de retrouver la logique d’implantation liée certainement à la présence d’eau aux vertus thérapeutiques,
démontrer l’intérêt de l’administration coloniale à l’égard de l’établissement thermal en vue de développer le thermalisme de santé,
identifier les infrastructures destinées aussi bien aux autochtones qu’à la population européenne,
s’interroger sur la venue massive des étrangers en terre d’Algérie dont la climatologie constituait un atout majeur à l’incitation.
Parmi le potentiel d’établissements thermaux, quelques uns, jugés important, font l’objet d’une description détaillée.
Etablissement thermal de Hammam Righa à Ain defla
Sur la route de Miliana et à 525 m d’altitude du mont Zeccar, se trouve Hammam R’hira. Il est aménagé près de l’une des sources les plus abondantes et les mieux captées. Son toponyme renvoi à la tribu des Righas, qui occupait autrefois le plateau des eaux chaudes (Renard, 1880, pp. 2-3). D’après la légende, Hammam R’hira s’appelle aussi Hammam Sidi Slimane (bains de Salomon), en référence au grand saint musulman de même nom (Lamarque, 2015).
La première découverte de sources thermales est attribuée à une légion romaine qui a édifié une ville fortifiée. Les rares vestiges qui en subsistent sont les thermes romains du nom « d’Aqua callidae », érigés par l’empereur Tibère en l’an 32 après J.C. (Desfosses, 1889, p. 12). S’y trouvent aussi les ruines de réservoirs pour le captage des eaux, construits en blocs de pierres de taille de gré jaunâtre (Gozzoli, 1879, p. 5 ; Renard, 1880, pp. 16-17).
Les autochtones fréquentent ces sources thermales antiques pour des considérations hygiéniques et thérapeutiques (Gozzoli, 1879, pp. 5-6). Grâce à la route reliant les villes de Blida et de R’hira, la population européenne découvre ces piscines romaines, que seuls les soldats français avaient au départ fréquentées pour leurs soins thérapeutiques. Au vu de leurs spectaculaires guérisons et sur insistance de leurs médecins, le service de santé décide de réaliser, en 1841, le premier hôpital thermal de statut militaire sur l’emplacement même d’une partie des anciens thermes romains (Desfosses, 1889, p. 13). Ouvert seulement pendant les trois mois d’été, l’établissement, doté de plusieurs bâtiments à rez-de-chaussée, accueille les rhumatisants, les convalescents de blessures de guerre et des fièvres palustres, les anémiques et les syphilitiques (Renard, 1880, p. 11).
En 1880, le gouvernement général de l’Algérie concède ses droits à M. Arlès-Dufour, qui est devenu propriétaire des sources thermales et minérales de Hammam-Rhira pour 99 ans (Renard, 1880, pp. 9-10). L’accord signé, stipule la construction, dans un délai de trois ans, d’un hôpital civil destiné à l’accueil des populations arabe et juive. Il préconise aussi, dans le cadre de la promotion d’un tourisme de santé, la construction de l’hôtel Bellevue. Cet établissement hôtelier, doté en rez-de-chaussée de structures thermales – deux piscines, de nombreuses salles de douches, de massage et de bains –, était réservé uniquement à la population européenne (Cellerier, 1934, p. 78).
Dès 1882, la construction du Grand hôtel de Hammam-Rirha est entamée, puis achevée par le crédit Foncier d’Algérie et de Tunisie (Guides-Joanne, 1916, p. 67). Il est situé sur une pente, à quelques 150 m de l’hôtel Bellevue, au milieu d’un parc magnifique, à proximité des ruines romaines. Ce bâtiment à étages est doté d’une imposante façade vitrée, d’environ 80 m de longueur et 5 m de largeur, qui permet aux malades de découvrir la grande montagne entourant l’établissement (Desfosses, 1889, p. 15). Les sous-sols accueillent les thermes auxquels on accède directement par le vestibule de l’hôtel. Ils comportent deux grandes piscines collectives remplies d’eau de sources d’une température variant entre 37° et 43°, plusieurs salles de sudations et de massages, des baignoires et piscines individuelles ainsi que des services d’hydrothérapies (Cellerier, 1934, p. 80).
Les pierres de taille romaines appartenant aux ruines des thermes « Aquae Calidae » semblent avoir fait l’objet de remploi au cœur de l’infrastructure du « Grand Hôtel », si l’on croit son propriétaire, M. Waille (Robert, 1954, p. 2). Ce dernier est allé jusqu’à dépenser une somme importante d’argent en vue de transformer l’hôtel en station hivernale, fréquentée par les touristes étrangers jusqu’en 1914 (Cellerier, 1934, p. 25).
Les niveaux supérieurs de l’édifice sont occupés par 40 chambres de baigneurs et des salles de distractions, comme le casino, la table de jeux, le billard, le salon de lecture et de danse, la bibliothèque et un café ; ce sont de véritables espaces de loisirs et de détentes qui offrent aux hiverneurs étrangers un séjour à la fois agréable et inoubliable. Les niveaux inférieurs, réservés aux baigneurs locaux, sont composés de plusieurs chambres modestes et de quatre piscines (Renard, 1880, p. 10).
Au rythme de l’augmentation de curistes et de touristes, de nouvelles installations voient le jour. Un établissement thermal de troisième classe est édifié au profit des couches sociales moyennes. Il se subdivise en deux parties distinctes : la partie en avant, réservée aux autochtones, comprend des bâtiments à rez-de-chaussée organisés autour d’une cour rectangulaire. La partie arrière est un simple bâtiment à étages, fréquenté par les curistes européens. Outre ces structures hôtelières, ce même établissement est doté de deux piscines, de deux salles de douches, de deux salles de transpiration et d’une douzaine de baignoires pour les bains tempérés (Gozzoli, 1879, p. 15).
Hammam Righa demeure, en ce temps là, la seule station thermale d’Afrique qui est en mesure d’accueillir un nombre important de touristes. Pour Morell Mackenzie, il est considéré comme un établissement de grande qualité : « in every respect suitable as a winter health resort » (Lamarque, 2015).
Actuellement, le complexe thermal est formé de l’hôtel Zaccar, du bloc thermal, des bungalows, des bains traditionnels Belle vue et Baraka, du club, du marché couvert. Il s’étend sur une superficie de 105.630 m2 avec une capacité d’hébergement de 780 lits. Le bloc thermal se déploie sur deux étages, occupés par différents services de soins. Il dispose d’une toiture plate ponctuée de deux spectaculaires lanterneaux aux formes de deux pyramides tronquées, posée l’une sur l’autre.
Etablissement thermal de Hammam Salihine à Biskra
Hammam Salihine est une remarquable ville d’eau, située à 6 km de Biskra. Elle est implantée sur le site même de la source thermo-minérale d’origine romaine. La piscine qui y fut construite était connue par « Ad Piscinam », car elle était sans cesse alimentée d’eaux thermales destinées à soigner les blessures des légionnaires romains. Les Vandales s’emparent plus tard des lieux et les dénomment « la fontaine des saints ». Vers le VIIe siècle, les Arabes s’approprient l’établissement et lui donnent le nom de « Hammam Salihine » (Thénoz, 1894, p. 40). Les Ottomans ont investi ce bain en 1430 et l’ont conservé jusqu’à l’occupation française en 18 mai 1844 (Dicquemare, 1893, p.2).
Les premiers travaux de mise à niveau ne datent que de 1857. Le captage d’une source thermale, d’un débit d’environ 1400 litres à la minute avec une température de 45°, a permis de construire un modeste établissement thermal. Il comprend un bassin rectangulaire entouré d’un bâtiment, abritant cinq cabines dotée chacune d’une piscine. Sa destination première est réservée au commandant supérieur, aux officiers, aux malades civils et militaires et aux indigènes (Bonneval, 2003, p.53; Niel, 1876, p. 401).
L’évolution de Hammam Salihine vers une station thermale de niveau international s’est faite graduellement. Par un décret du 31 octobre 1889, l’Etat a concédé à la commune de Biskra, un immeuble domanial situé au cœur de l’oasis de Béni Mora, à 2 km de la ville, sur la route de Hammam Salihine (Dufourg, 1939, p. 2). En date du 6 juin 1891 une convention est conclue pour 99 ans, permettant à la commune de Biskra de céder à la Cie de Biskra et de l’oued Rhir (Cie B.O.R), ses droits sur les biens concédés, situés dans le quartier de la Zaouia Foukania. En contrepartie, cette société s’est engagée dans un délai de trois ans à implanter un établissement de bains à l’emplacement même de la source, à aménager un parc et une cité de tourisme, à construire un casino pour les étrangers et enfin à réaliser une voie ferrée reliant la ville de Biskra à Hammam Salahine.
Un nouveau bâtiment de style néo mauresque est édifié pour les Européens, en face de l’ancien établissement thermal datant de 1857 (Hanriot, 1911, p. 125). Il renferme deux piscines et huit salles de repos. Chaque piscine est précédée d’une salle de repos, se trouvant en face et séparée d’elle par une cour où domine un réservoir d’eau de source. Sur les côtés, sont disposés les différents appareils de douches (douches en pluie, en cercles, en jet, douches pharyngiennes, douches de face, salle d’inhalation, …etc.) (Weisgerber, 1896, p. 11).
Dans la partie avant de l’établissement, sont aménagés une salle à manger, un grand salon et, à l’étage supérieur, six chambres à coucher. Deux volumes remarquables ressortent sur la façade principale, un élément vertical au milieu de l’édifice marquant l’entrée principale, et une coupole à base octogonale sur l’extrémité gauche de l’établissement (Boufassa, 2018, p. 13).
Deux hôtels sont inaugurés en 1923 : le royal Hôtel et le Transatlantique et un nouvel établissement thermal est édifié dans leur proximité, de façon à limiter la distance que les baigneurs devraient effectuer pour bénéficier des eaux de sources thermales (Zytnicki, 2016, p. 101). Un troisième hôtel, le Palace hôtel, est réalisé dans un style néo mauresque et se caractérise par une grande coupole dominant quatre étages, ornée d’arabesque en stuc et de vitraux (Roger, 2016-2017, p. 43). Un casino est construit, assez loin de ces hôtels.
Sous l’influence des années touristiques d’avant et d’après la première guerre mondiale, ces structures thermales et hôtelières contribuent à attirer les hiverneurs sous le beau ciel et la température hivernale incomparable de Biskra.
Actuellement, le complexe thermal de Hammam Salihine occupe une superficie de 27 ha et 141 m². Il est doté d’hôtels, de bungalows, de bains traditionnels, d’un bloc thermal, d’un cinéma, d’un centre commercial et d’un parking. Le bloc thermal se déploie sur deux étages, occupés par différents services de soins. Ce complexe est devenu un centre convivial de relaxation et une station balnéaire pour la rééducation et les soins.
Source thermale de Hammam el-Biban à Bordj-Bou-Arreridj
Les sources d’eaux chaudes de Hammam El-Biban sont situées à l’Est du pays, à 6 km de la gare des Portes de Fer, sur un petit plateau rocailleux d’une altitude de 510 m. Dénommées Ouled Ali, ces eaux thermales possèdent des propriétés très curatives. Les autochtones leur portaient une grande estime et s’y rendaient souvent nombreux. Leur température atteint 90° pour un débit de 60 litres par minute (Hanriot, 1911, p.196). Une étude élaborée par le service du génie militaire en 1862, atteste que le Bach-Agha de la Medjana a construit une première piscine au point d’émergence des eaux chaudes (Savornin, 1913, p.154). Des toits de chaume l’abritent aussi mal que possible. Elle est restaurée en 1872 par le marabout Ali ben Laggoun qui installe en outre d’autres constructions subsistant encore en 1930. En 1909 la commune mixte saisit les autorités par une note officielle sur l’urgence d’exécuter des travaux de réparation et d’amélioration à apporter aux piscines, à cause de leur état vétuste, qui constitue un sérieux obstacle à leur utilisation pratique (Arnaudies, n.d, p.7 et p.17).
Ce n’est qu’en 1930, que fut engagée la construction d’un confortable établissement, motivée par le nombre croissant des curistes (Arnaudies, n.d, p.31). L’établissement thermal comprend une salle d’attente, un bureau, deux vestiaires, deux piscines communes, une piscine particulière et quatre baignoires individuelles. Une immense cour intérieure sépare cet établissement de l’hôtel composé de neuf chambres modernes, une salle de restauration avec salon, sept logements et un café maure (ISASP, 1947, p.1). Les travaux se sont étendus au captage très délicat des sources.
Au dire de certains médecins, l’action curative des eaux de Hammam el-Biban est au moins égale, sinon supérieure, à celle de ses similaires de Bagnères et Barèges, en France. Elles auraient un effet sédatif sur les affections de nature : rhumatismales de toute origine, nerveuses d’origine spécifique comme les dermatoses diverses. Dans cette modeste structure thermale, les curistes locaux apprécient davantage les soins thérapeutiques que la curiosité touristique suscitée par le spectaculaire paysage des portes des Biban.
Existait-il un tourisme de santé en Algérie au XIXe siècle?
On peut dire d’emblés, que les infrastructures ayant intéressé l’administration coloniale, sont ceux possédant des installations préexistantes, souvent romaines. Le paysage environnant, le climat doux, l’accès facile aux bains thermaux, la température et le débit de l’eau sont parmi les valeurs qui ont contribué au choix des établissements thermaux pour être réhabiliter ou restaurer. Ces installations ont servi dans un premier temps comme lieu de soins pour les soldats français.
On constate aussi l’édification d’infrastructures conformes aux nouvelles réglementations, comprenant des structures de soins, d’hébergements, de divertissements et des parcs thermaux, modernes et confortables, pour accueillir curistes et touristes.
A travers les quelques exemples nationaux et internationaux étudiés, on peut donc déceler les différentes transformations apportées au niveau de ces établissements thermaux, dont les images anciennes et récentes montrent bien la grande évolution permettant d’allier graduellement le thermalisme thérapeutique au tourisme de santé.
Le XIXe siècle a fait instaurer en Europe et au Maghreb un thermalisme qu’exprime une architecture variée. Les nouvelles infrastructures édifiées en France comme en Algérie et en Tunisie possèdent une certaine harmonie du point de vue architectural et paysager. L’établissement thermal de Hammam Righa est l’exemple le plus signifiant. La conception architecturale s’inspire de celle des stations thermales française. La monumentalité de l’édifice, l’aspect longitudinal, la galerie vitrée ainsi que les promenades rappellent la station thermale de Vichy. Alors que le style néo-mauresque est fort présent dans la décoration de la façade, qui semble s’intégrer dans le paysage de la ville d’eau.
En revanche l’établissement thermal de Hammam Salihine est typiquement issu de la fusion des traditions locales et celles maghrébines. On remarque l’instauration d’un style néo-mauresque, comme pour Hammam Lif en Tunisie. En effet, deux volumes se distinguent : une coupole et un volume central en saillie. Hammam el-Biban témoigne des premiers bains construits à l’époque ottomane pour des besoins hygiéniques et thérapeutiques. L’administration coloniale, attirée par le paysage environnant des lieux, a édifié un établissement thermal destiné à la population locale recherchant plus la thérapie que la distraction et le tourisme.
De son côté, la station thermale de Vichy exprime le style arabisant dans la conception de son nouvel établissement datant du XIXe siècle. Un dôme occupe le hall central de l’édifice et marque son entrée. Casino et théâtre sont également présents dans les deux lieux thermaux, témoignant d’une uniformisation des pratiques de tourisme et de loisir dans l’architecture thermale du XIXe siècle en France.
Cette étude non exhaustive montre la grande amélioration apportée aux anciennes structures thermales, à travers une analyse historique et descriptive des édifices préexistants ou nouvellement construits. Cette implication de l’administration coloniale a été à l’origine du renouveau du thermalisme en Algérie, à partir du XIXe siècle, offrant au-delà des soins thérapeutiques, les loisirs, la découverte et le bien-être. Elle ne faisait que suivre les nouvelles réglementations et recommandations pour un meilleur tourisme de santé.
Conclusion
La dimension patrimoniale du thermalisme s’affirme, en Algérie, autant sur le plan de l’hygiénisme porteur de bienfaits très appréciés pour la santé, que par une expression architecturale remarquable héritée pour l’essentiel de la grande époque de la fin du XIXe siècle, ou encore par sa contribution à la naissance d’un tourisme de santé.
A travers les trois exemples étudiés, on a pu enregistrer non seulement leur fréquentation continue par les populations locales, mais aussi le grand intérêt que les colons et les touristes européens vouent à ces sources minérales algériennes. Dès son arrivée en terre d’Algérie, l’armée coloniale a investi les vielles piscines héritées des Romains, afin de soigner ses soldats malades et mal acclimatés.
Les XIXe et XXe siècles sont une période faste dans l’histoire du thermalisme en France et au Maghreb. Une nouvelle forme de tourisme thermal s’annonce, avec ses lois, ses codes et ses réglementations sur le plan hygiénique. On entame alors, en Algérie, une large opération de mis à niveau des thermes et bains existants, afin d’améliorer leur état hygiénique. De nouvelles structures, destinées aussi bien aux autochtones qu’à la population européenne voient aussi le jour : hôtels, casinos et parcs marquent désormais le paysage thermal et contribuent au développement du tourisme thermal.
L’évolution de ces villes d’eaux algériennes vers un thermalisme de santé et de bien-être, durant l’époque coloniale, a instauré une architecture thermale adaptée aux deux populations. Cette nouvelle forme de tourisme de santé contribue à mettre en valeur le patrimoine thermal, afin que tout visiteur puisse bénéficier des meilleures conditions d’accueil, de soins, de détente et de découverte.
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Notes
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Article de recherche scientifique
Notes aux auteurs
a Auteur de la correspondance. Courrier électronique: nadia.nedjar@univ-blida.dz et nedjarnadia7@gmail.com
Information additionnelle
Comment citer cet article: Nadia, N., y Samia, C. (2022). L’établissement thermal en Algérie aux XIXe et XXe siècles: naissance d’un tourisme de santé. Apuntes, 35. https://doi.org/10.11144/Javeriana.apu35.ltas